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Départ 7h50

Hier soir, alors que j'étais installée dans la crêperie pour dîner seule, arrive une pèlerine que j'avais vue dans mon dortoir. Elle parle anglais et comprend un peu le français. Elle me demande pour s'asseoir à ma table et faire connaissance. Après lui avoir dit en anglais que je comprends à peu près l'anglais mais manque cruellement de vocabulaire, j'accepte. Et je fais connaissance de Susan. Elle est très sympathique. Elle vient du nord-est des Pays-Bas. Bien qu’elle soit grande randonneuse, elle appréhende l’étape de demain qui sera son 1er jour sur le chemin. Je la comprends. Ça risque d’être difficile. Nous passons une excellente soirée en dégustant de très bonnes crêpes et un excellent verre de cidre local. Puis nous rentrons nous coucher. 

Ce matin il fait assez chaud, même un peu lourd.
Un pèlerin assis dès la sortie du village me demande mon âge en voyant que je souris. Sans doute croit-il que je me moque de son peu d’endurance. Il me dit qu’il a 10 ans de plus que moi. Il ajoute en riant qu’il attend le bus. Évidemment c’est une blague.

Je longe une façade de maison d’au moins 15 mètres de long, plantée d'arums en fleurs. Superbe. 

Le vent se lève. A gauche, un panneau indique qu'ici la ferme fabrique du fromage de brebis au lait cru.

Arrêtée dans un virage pour boire 1 h après mon départ, je me fais doubler par Heidi. Je la reconnais à ses 2 jolies nattes, ses taches de rousseurs. Et elle gambade dans la côte !

Ouf, sur ce versant le vent souffle moins fort. 
Mais dès que nous l’avons de face, c’est épuisant ! En écartant les bras, je crois bien qu’on pourrait s’envoler !

9h25. J’attaque le sentier « voie Jacquaire ». Je pense à Annick (de Belgique), au brouillard et à l’humidité de 2018. En sa compagnie, le chemin m’avait semblé aisé, presque facile. 

Nous sommes assez nombreux sur la petite route, mais dispersés, ça me va.

Ce vent est terrible, il nous déporte. Nous nous encourageons à l’américaine : we can do it ! Yes we can !

Je chante « Let me fly ! »

10h45. Je passe le 1er col à 900 m.
Avec ce vent violent, nous avançons tous comme des tortues, à la limite du déséquilibre à chaque bourrasque. 
Parfois, pendant quelques instants furtifs, le vent est dans notre dos. Instinctivement, plusieurs d’entre nous ouvrent les bras pour se laisser pousser. 

11h30. J’arrive au niveau de la Vierge de Biakkori, 1055 mètres d’altitude. 

Il est presque midi, deux motards arrivent d’une petite route perpendiculaire à la nôtre. Lorsque le premier ralentit pour tourner, un coup de vent le fait chuter. Il y a tellement de vent qu’il faut l’aider à relever son engin. L’autre, une jeune femme, a immédiatement stoppé sa moto. Lorsqu’ils repartent, je ne les sens pas très rassurés.

12h10. Les premiers chevaux en liberté. Ils sont de couleur fauve et caramel et n’ont pas l’air de souffrir du vent. 

Encore 11km à faire. Le vent est de plus en plus fort, nous obligeant parfois à quelques pas en arrière.

12h20. Mon opérateur de téléphone m’informe : vous êtes en Espagne !

10mn plus tard, me voilà assise sur un tronc d’arbre couché. Comment dire… une crique, une alcôve légèrement à l’abri du vent dans la colline. Nous sommes une quinzaine, installés là pour notre pique-nique. 
Je grelotte. J’enfile mon coupe-vent, mes gants, le buff. J’avale un avocat délicieux avec un pain-burger et 2 clémentines.

Je repars vite car j’ai bien moins froid en marchant.

Enfin le sentier quitte la route et nous emmène sur l’herbe. C’est moelleux. Mes pieds sont contents.

Puis, la descente s’amorce.

Les arbres moussus qui bordent maintenant le chemin sont moins impressionnants sans le brouillard de 2018. 

Malheureusement, il y a autant de vent de ce côté de la montagne. 

Un anneau indique Santiago à 765km. Je crois qu’aujourd’hui c’est plus car le sentier a été déplacé. 

Et voici la fontaine de Roland. Je remplis ma bouteille. 

13h45. Je photographie la neige au bord du chemin. 

Presque 15h. La grande descente vers la collégiale, enfin j’espère ! 

Je crois bien être sur la partie du chemin qui était fermée lors de mon dernier passage. Elle traverse la forêt. 

Arrêt quelques instants pour vider mes chaussures qui se remplissent de gravillons. 2 pèlerins me dépassent, mais je les vois un peu plus loin, obligés d’en faire autant. 

15h30. Pourvu que la collégiale ne soit pas trop loin. J’ai beaucoup bu et ma vessie est pleine.
Je dépasse un couple asiatique parlant une langue qui m’est tout à fait étrangère, mais lorsque je suis à leur hauteur, ils lancent un joyeux «  buen Camino ».

Toujours pas de collégiale en vue, mais 1ere limace espagnole.

J’allais m’arrêter pour enlever mon coupe-vent dans lequel maintenant je transpire, lorsqu’un panneau «bleu Compostelle» indique la collégiale à 500 mètres.  
Effectivement, l’arrivée par le chemin est bien moins spectaculaire que celle vécue il y a 6 ans par la route. En effet, nous avions eu une vue magnifique arrivant directement de plus haut que la collégiale. Par le sentier, nous arrivons tout en bas, par la rivière. Il faut lever la tête pour voir la collégiale. 

16h. L’accueil me déçoit un peu. Comme je n’ai pas réservé, je suis reléguée au dortoir du sous-sol. Et comme il y a déjà beaucoup de monde, pas de possibilité de petit déjeuner demain. J’ai pris l’option dîner car à priori c’est possible pour les végétariens. 
Je profite des machines à laver pour faire une «grande lessive». 

Il est presque 17h. Je passe me renseigner des emplacements de distributeurs bancaires. Une fois rassurée, je pars à la recherche de quelque chose à manger pour mon goûter. J’ai faim. Un pain au chocolat fera l’affaire. 

Puis j’essaie de téléphoner pour réserver un lit pour demain soir. Après plusieurs cafouillages où je ne faisais pas l’indicatif de l’Espagne… je réussis et c’est en espagnol que je fais ma demande. C’est réservé. Je suis fière de moi. 

Ce vent m’a épuisée. Je me masse les jambes et me repose.

J’espère une bonne nuit de repos.